Évaluation des instructions ministérielles (mise en oeuvre)

Sommaire

But de l’évaluation

Le présent rapport fait état des résultats de l’évaluation de la mise en œuvre du premier ensemble d’instructions ministérielles (IM), publié en novembre 2008 à la suite d’une modification législative apportée à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) plus tôt cette année-là. Dans l’optique de respecter les exigences de la Directive sur la fonction d’évaluation (SCT, 2009) et l’engagement du Conseil du Trésor à réaliser une évaluation de la mise en œuvre des instructions ministérielles au cours de leur deuxième année de fonctionnement, cette évaluation avait pour but de faire l’examen objectif des éléments suivants :

  • la pertinence continue des IM en tant qu’outil législatif;
  • la conception et la mise en œuvre du premier ensemble d’instructions ministérielles (IM1);
  • le rendement des IM1 dans la réalisation des résultats sélectionnés;
  • la rentabilité du Bureau de réception centralisée des demandes (BRCD).

Il convient de souligner que même si l’évaluation portait au départ sur les IM1 et le BRCD, on en a élargi la portée pour inclure l’incidence initiale des IM2, qui sont entrées en vigueur le 26 juin 2010. Étant donné que les IM2 étaient en place depuis presque un an au moment de la collecte des données et qu’elles ont réglé certains des grands problèmes que comportaient les IM1, il était fort à propos de les inclure dans l’évaluation.

Même si l’évaluation ne devait se pencher que sur la rentabilité du BRCD, une partie des recherches effectuées ont également contribué à établir si le BRCD atteint les résultats escomptés.

Puisque l’évaluation a été réalisée environ deux ans après l’annonce des IM1, elle ne se penche que sur les résultats initiaux et intermédiaires et ne tient pas compte des résultats à plus long terme pour répondre aux besoins du marché du travail. Cependant, dans la mesure où on peut démontrer une accélération du traitement des demandes, un raccourcissement des délais d’attente et un lien entre les catégories admissibles de la CNP et les professions à forte demande, on s’attend à ce que les IM répondent davantage aux besoins du marché du travail canadien à long terme.

Instructions ministérielles

Le gouvernement fédéral a choisi de remédier à l’arriéré de demandes de TQF en proposant des modifications à la Loi sur l’immigration et la protection des réfugiés (LIPR) au moyen du projet de loi C-50, la Loi d’exécution du budget de 2008. Le projet de loi C-50, qui est entré en vigueur le 27 février 2008, a apporté plusieurs changements fondamentaux à la méthode de gestion des demandes d’immigration : il a éliminé l’obligation de traiter toutes les demandes reçues et autorisé le ministre à donner des directives (instructions ministérielles) aux agents d’immigration concernant les demandes pouvant être traitées ou non, en tenant compte des objectifs globaux du gouvernement en matière d’immigration. Grâce aux dispositions concernant ces IM, le ministre détenait le pouvoir de limiter le nombre de demandes traitées, d’accélérer l’étude de certaines demandes ou certains groupes de demandes et de retourner des demandes sans les traiter jusqu’à la prise d’une décision finale.

Le premier ensemble d’instructions ministérielles (IM1), qui indiquait comment le ministre appliquerait les pouvoirs découlant des modifications apportées à la LIPR, a été annoncé le 28 novembre 2008 dans le cadre du Plan d’action pour accélérer l’immigration de CIC et était destiné au Programme des travailleurs qualifiés du volet fédéral. Les trois principaux objectifs des IM1 étaient les suivants :

  • maîtriser le nombre de nouvelles demandes de travailleurs qualifiés du volet fédéral (TQF);
  • réduire de 50 % l’arriéré de demandes de TQF d’ici 2013;
  • continuer de répondre aux besoins du marché du travail canadien.

Bureau de réception centralisée des demandes (BRCD)

En même temps qu’il publiait les IM et dans le cadre de son programme de modernisation, CIC a décidé de centraliser au Canada l’évaluation initiale de la recevabilité des nouvelles demandes de TQF. Le Bureau de réception centralisée des demandes (BRCD) a été établi au Centre de traitement des demandes (CTD) de Sydney, en Nouvelle-Écosse, qui traitait déjà les demandes de citoyenneté et de carte de résident permanent, et disposait donc déjà de l’infrastructure nécessaire pour assurer la réception et le traitement initial des demandes de TQF.

Buts du Bureau de réception centralisée des demandes

  • Accélérer le traitement initial des demandes, augmentant ainsi l’efficacité du processus global;
  • Réduire la charge de travail dans les missions, permettant ainsi au personnel des missions de se concentrer sur des tâches non administratives;
  • Uniformiser la mise en œuvre des instructions ministérielles et l’évaluation des demandes de TQF;
  • Faciliter la gestion des frais.

Des changements d’ordre administratif ont subséquemment été apportés au BRCD avec l’arrivée des IM2, le plus important étant que la décision finale sur la recevabilité soit prise au BRCD plutôt que dans les missions. Dans le cadre de ce nouveau processus, les missions ne pouvaient pas annuler une décision favorable sur la recevabilité, même si elles pouvaient refuser une demande pour d’autres motifs. Par ailleurs, le BRCD accordait aussi des points en suivant la grille d’évaluation des demandes de TQF et rejetait les demandes qui n’atteignaient pas 67 points.

Méthodologie d’évaluation et limites

La collecte des données pour cette évaluation a été effectuée de mars à juin 2011. La période visée par l’évaluation s’échelonne de l’entrée en vigueur du budget de 2008 (le 18 juin 2008) jusqu’à la fin de la collecte des données.

Plusieurs sources de données tant quantitatives que qualitatives ont servi aux fins de l’évaluation :

  • examen des documents;
  • entrevues;
  • analyse des données administratives;
  • sondage auprès des bureaux canadiens des visas à l’étranger (BCVE);
  • visite au BRCD.

Même si l’évaluation a porté sur un bon équilibre de sources de données quantitatives et qualitatives, permettant de faire la triangulation des résultats, deux limites importantes de la méthodologie ont été relevées :

  • Il y avait un risque de confondre les IM1 et les IM2, compte tenu de la période au cours de laquelle la collecte des données a été effectuée. On a atténué cette limite en veillant toujours à faire la distinction entre les deux ensembles d’instructions dans le cadre des discussions avec les informateurs principaux. Pour ce qui est du sondage, où il était impossible de demander aux répondants des détails sur leurs réponses, les données contextuelles ont été utilisées pour établir s’il y avait confusion entre les IM1 et les IM2 et, le cas échéant, les réponses n’étaient pas incluses dans l’analyse.
  • CIC tient un système financier fondé sur les activités, le Modèle de gestion des coûts (MCG), qui est généralement très utile pour analyser les coûts de traitement. Toutefois, en ce qui concerne les IM, les données de ce système n’étaient pas suffisamment détaillées pour permettre une analyse coût-efficacité du BRCD. Pour corriger le problème, on a élargi la portée de l’évaluation pour jauger si le BRCD atteignait ses autres objectifs, qui contribueraient tous à assurer l’efficacité du processus global.

Principales constatations

Pertinence

  • Toutes les personnes interviewées et les deux tiers des répondants au sondage mené auprès des BCVE étaient d’accord pour dire que les IM constituent toujours un outil législatif pertinent. Le fait que les IM ont été utilisées pour apporter des changements subséquents à la méthode de traitement des demandes, tant pour celles dans le cadre des TQF que pour celles dans d’autres programmes d’immigration, vient corroborer cette constatation.

Conception et mise en œuvre

  • La majorité des informateurs consultés dans le cadre de l’étude ont qualifié la souplesse des pouvoirs à la base des IM d’excellente ou de bonne. Le fait que le ministre ait pu présenter un deuxième ensemble d’instructions assez rapidement lorsque les limites du premier ensemble ont été révélées montre que le concept des IM répond bien aux besoins.
  • Dans le cadre des IM1, CIC a créé plusieurs outils de surveillance, que pratiquement tous les informateurs principaux ont trouvés très efficaces. L’opportunité et la qualité des renseignements recueillis au moyen des processus de surveillance ont permis à CIC d’apporter rapidement les ajustements nécessaires aux politiques et aux opérations.
  • La proportion des demandes incomplètes et des demandes qui se sont soldées par une évaluation défavorable de la recevabilité a diminué assez rapidement après l’annonce des IM1, ce qui porte à croire que, de façon générale, les immigrants et les consultants en immigration ont compris les critères. La majorité des informateurs de l’AC et des répondants au sondage auprès des missions étaient d’avis que les immigrants comprenaient les IM1.

Rendement : réalisation des résultats escomptés

  • Le temps de traitement initial pour les demandes visées par les IM1 n’a pas dépassé le délai ciblé de 6 à 12 mois. Cependant, étant donné que les demandes ont continué d’arriver à un rythme plus élevé que prévu, le délai de traitement a augmenté. Pour la demande typique visée par les IM1 qui a fait l’objet d’une décision avant le mois de mai 2011, la période entre la présentation de la demande et la décision finale favorable au BCVE s’élevait à 412 jours, soit environ un mois et demi de plus que le délai ciblé. Toutefois, même si les IM1 n’ont pas permis d’atteindre l’objectif précis de 6 à 12 mois, le traitement des demandes de TQF était quand même plus rapide que dans le système précédent : le délai d’attente moyen était de 13,6 mois, comparativement à 25,5 mois pour la période allant de janvier 2006 à février 2008 (avant la mise en œuvre des IM).
  • La plupart des personnes interviewées à l’AC et des répondants au sondage mené auprès des missions jugeaient que l’uniformité des décisions prises au BRCD était excellente. Quant à l’uniformité entre les décisions du BRCD et celles prises par les BCVE, les informateurs principaux l’estimaient un peu moins bonne. Toutefois, le pourcentage des décisions du BRCD qui ont été annulées par les missions en raison d’évaluations divergentes de la recevabilité était assez faible, soit de 5 à 10 %.
  • Les IM1 avaient pour but de limiter le nombre de personnes pouvant présenter une demande à titre de TQF, pour libérer des ressources qui s’attaqueraient à l’arriéré de demandes accumulé avant la mise en œuvre des IM. Même si le nombre de demandes reçues était très faible au départ, il a augmenté de façon constante au cours de la période suivant la mise en œuvre des IM1, passant de 5 000 demandes au cours du premier trimestre (12 semaines) de 2009 à 25 000 au cours du deuxième trimestre de 2010, ce qui équivalait au nombre le plus élevé de nouvelles demandes enregistré avant la présentation du projet de loi C-50.
  • Dans le cadre de la mise en œuvre des IM1, CIC s’est fixé comme cible de réduire de 50 % d’ici 2013 l’arriéré de demandes accumulé avant les IM. En avril 2011, le Ministère avait atteint cet objectif, soit deux ans plus tôt que prévu. Cependant, en raison du volume croissant de demandes visées par les IM1, un arriéré de ces demandes s’était accumulé durant cette période. Ce nouvel arriéré et celui accumulé avant la mise en œuvre des IM représentaient une réduction totale de 23 % depuis février 2008, lorsque le premier ensemble d’instructions a été publié.
  • Presque tous les informateurs principaux ont mentionné à un moment ou un autre durant l’entrevue que la grande force des IM1 est qu’elles ont fourni des renseignements essentiels qui ont éclairé l’élaboration des IM2. D’après eux, les IM2 ont mieux réussi que les IM1 à limiter le nombre de nouvelles demandes, à accroître l’efficacité du traitement et à réduire les tâches administratives dans les missions.
  • D’autres changements d’ordre administratif ont été apportés au BRCD parallèlement à la mise en œuvre des IM2, le plus important étant que la décision finale sur la recevabilité est maintenant prise par le BRCD plutôt que dans les missions. De nombreux informateurs principaux — la plupart des membres du personnel des BCVE reçus en entrevue ou ayant répondu au sondage, bon nombre des employés du BRCD interviewés et certaines personnes à l’AC — estimaient que ce changement pourrait causer des problèmes puisque le personnel du BRCD n’a pas les connaissances suffisantes à l’échelle locale pour pouvoir détecter les demandes frauduleuses.

Rendement : économie et efficience

  • Même si on n’a pas été en mesure de quantifier l’incidence de la mise sur pied du BRCD sur les coûts de traitement des demandes de TQF, certains faits liés aux objectifs originaux du BRCD montrent que la centralisation de l’évaluation initiale des demandes est plus efficace que dans le modèle précédent : on a réduit le délai de traitement des demandes et les tâches administratives dans les missions et renforcé l’uniformité dans la prise de décision et la tenue de documents.

Conclusions

  • Il est nécessaire que CIC continue d’être en mesure de gérer la réception et le traitement des demandes d’immigration rapidement, efficacement et de manière à répondre aux besoins.
  • La conception des IM est à la fois souple et réactive, ce qui est essentiel pour faire des IM un outil stratégique efficace.
  • Même si les IM1 ont permis de réduire temporairement le nombre de nouvelles demandes du PTQF, celui-ci a remonté très rapidement à ce qu’il était avant la mise en œuvre des IM1. Cependant, les systèmes de données créés dans le cadre des IM1 ont permis de repérer rapidement cette augmentation et ont mené à l’élaboration des IM2, qui ont donné de bien meilleurs résultats pour limiter le nombre de nouvelles demandes.
  • Même si les IM2 ont été plus efficaces que les IM1 pour limiter les demandes, les personnes consultées, et plus particulièrement le personnel des missions, étaient d’avis que transférer la responsabilité de la décision sur la recevabilité au BRCD dans le cadre des IM2 pourrait causer des problèmes. La portée de l’évaluation n’a pas permis de jauger l’incidence de ce changement.
  • La mise en œuvre des IM1 a contribué à réduire substantiellement l’arriéré, même si par la suite, un arriéré imprévu de demandes visées par les IM1 s’est créé.
  • Même s’il est impossible de conclure que la centralisation du traitement initial des demandes de TQF a permis de réduire les coûts pour CIC, le BRCD a atteint un certain nombre d’objectifs qui contribuent à améliorer l’efficacité du processus global.

Recommandations

Recommandation 1 : CIC devrait mener une évaluation plus officielle de l’incidence d’une plus grande centralisation des processus traditionnellement réalisés dans les missions. Cette évaluation devrait plus précisément porter sur les risques associés à la centralisation de la prise de décision, surtout en ce qui a trait à la possibilité de ne pas détecter les fraudes. Dans le cadre de cette étude, on devrait aussi établir des stratégies d’atténuation des risques, au besoin.

Recommandation 2 : Dans le cadre de son approche globale en matière de mesure du rendement des programmes, CIC devrait s’assurer de disposer de données financières suffisamment solides et détaillées pour soutenir l’analyse permanente et l’évaluation périodique des coûts des programmes.

La recherche effectuée pour l’évaluation a permis de dégager un certain nombre de constatations qui ne suffisaient pas en elles-mêmes à justifier une recommandation, mais qui donnaient des pistes d’intervention ou d’étude pour le Ministère. Ces pistes sont présentées ci-dessous.

Recommandation 3 : Le Ministère devrait examiner chacune des observations suivantes, les approfondir au besoin et déterminer la meilleure marche à suivre :

  • Communications
    CIC devrait autoriser et faciliter une communication directe entre le personnel des missions et du BRCD. La mise en place d’un mécanisme de rétroaction permettrait de relever toute erreur systématique et d’améliorer la prise de décision. Les leçons tirées au moyen de discussions avec le personnel d’une mission pourraient être communiquées à l’échelle du réseau.
  • Demande électronique
    Le Ministère devrait accélérer la transition vers la présentation des demandes par voie électronique pour le Programme des travailleurs qualifiés du volet fédéral, d’autant plus que le SMGC est désormais pleinement mis en œuvre.
  • Paiement des frais
    La plate-forme de demande électronique devrait faciliter le paiement grâce à des applications telles que PayPal. De plus, on devrait envisager d’imposer des frais pour le traitement des demandes qui sont jugées irrecevables. Ces frais aideront à couvrir certains coûts et décourageront ceux qui savent que leur demande risque fort d’être rejetée de faire une demande.
  • Situation du BRCD à titre de projet pilote
    Étant donné qu’il semble avoir un rôle continu et de plus en plus important dans le traitement des demandes de TQF, le BRCD devrait devenir permanent.

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