Évaluation du Programme de prêts aux immigrants

5 Constatations relatives à la pertinence du Programme

L’évaluation de la pertinence du Programme portait sur la pertinence du rôle fédéral dans la fourniture de prêts, la concordance du Programme avec les priorités du gouvernement du Canada et le besoin continu du Programme.

5.1 Pertinence du rôle fédéral

Constatation : Le gouvernement fédéral joue un rôle approprié dans l’administration du Programme de prêts aux immigrants.

Le Programme de prêts aux immigrants, en accord avec les directives du CT pour l’établissement de prêts, la gestion des comptes débiteurs et la radiation des créances, est conforme aux autorisations accordées par le ministre des Finances, lui-même responsable de la saine gestion du système financier canadienNotes de bas de page 126. En vertu de la Loi sur la gestion des finances publiques, consentir des prêts fait partie des mécanismes à la disposition du ministre des Finances pour promouvoir la stabilité ou maintenir l’efficacité du système financier du CanadaNotes de bas de page 127.

De plus, l’article 88 de la LIPR autorise le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration à consentir des prêts à des fins d’immigration, au moyen d’une avance sur le Trésor. Le RIPR énonce les types de prêts, les périodes de remboursement, les intérêts, les autres modalités et l’envergure du fonds de prêtsNotes de bas de page 128.

Si d’autres paliers de gouvernement ainsi que le secteur privé consentent des prêts aux gens, les spécialistes estiment approprié le rôle du gouvernement fédéral dans l’octroi de prêts, à titre de moyen pour surmonter les difficultés rencontrées par certains groupes pour obtenir le financement dont ils ont besoin individuellement, en raison d’un manque de garantie ou autre moyen d’obtenir un prêtNotes de bas de page 129. Ces groupes comprennent notamment les étudiants et les immigrants.

5.2 Concordance avec les priorités du gouvernement du Canada et de CIC

Constatation : Bien que le Programme de prêts aux immigrants facilite la réinstallation initiale de réfugiés, aidant le Canada à respecter ses engagements internationaux en matière de protection des réfugiés, le Programme, tel qu'exécuté, ne concorde pas parfaitement avec les objectifs d'établissement du Canada.

Le Canada a démontré son engagement à partager la responsabilité de la protection des réfugiés en étant partie à plusieurs traités internationaux concernant les réfugiés et d’autres groupes (p. ex. Convention relative au statut des réfugiés [1951] et Protocole de 1967 relatif au statut des réfugiés). Cet engagement est réitéré dans la LIPR, qui précise que « le programme pour les réfugiés vise avant tout à sauver des vies et à protéger les personnes de la persécution »Notes de bas de page 130. Certains représentants de CIC interviewés estimaient que le Programme de prêts aux immigrants pourrait être réputé en concordance avec cet objectif, puisqu’il fournit un moyen de faire venir des réfugiés au Canada. Par contre, dans la plupart des cas, les personnes interviewées signalaient aussi des aspects du Programme qui ne concordaient pas avec les objectifs humanitaires du Canada et avec les objectifs d’établissement de CIC.

Il a été également constaté que bien que l’évaluation menée pour établir l’admissibilité à un prêt soit censée être distincte de l’évaluation de la capacité d’établissement d’un réfugiéNotes de bas de page 131, ces évaluations s’effectuent presque en même tempsNotes de bas de page 132, et visent essentiellement des objectifs difficiles à concilier. Certaines personnes interviewées ont indiqué que l’adoption de la LIPR avait assoupli les critères relatifs à la capacité d’établissement au Canada, pour se concentrer sur des facteurs sociaux plutôt qu’économiques dans le contexte des objectifs humanitaires de la réinstallation, ce que confirme l’examen documentaire. Le RIPR autorise également l’exemption de réfugiés vulnérables et en besoin urgent de protection de l’exigence d’une évaluation de la capacité à réussir son établissementNotes de bas de page 133. Toutefois, en vertu du Programme de prêts aux immigrants, les éventuels bénéficiaires de prêts doivent se prêter à une évaluation de facteurs économiques relatifs à leur éventuelle capacité de remboursement, comme le potentiel de revenu, les autres obligations financières (par exemple, le nombre de membres de la famille à charge), les antécédents d’emploi et la capacité actuelle de parler l’une des langues officielles du CanadaNotes de bas de page 134.

Certaines personnes interviewées ont signalé le fardeau supplémentaire du prêt comme élément probant du manque de concordance du Programme avec le résultat stratégique 3 de CIC, Participation des nouveaux arrivants et des citoyens à l’appui d’une société intégrée, plus précisément avec l’activité de programme 3.1, Établissement et intégration des nouveaux arrivants. Pour ce qui est de confirmer la concordance du Programme avec le résultat stratégique 3, la principale difficulté semble tenir au mécanisme employé, un prêt, pour fournir un soutien. Toutes les personnes interviewées conviennent du besoin de fournir un soutien, mais le recours à un prêt à cette fin ne semble pas concorder avec l’atteinte des objectifs d’établissement. L’information présentée tout au long du présent rapport d’évaluation indique clairement que pour certains bénéficiaires de prêts, le prêt a un impact négatif sur l’établissement, ce qui va à l’encontre de l’esprit du résultat stratégique 3 de CIC et de l’objectif global du programme de prêts. Au lieu de contribuer à l’établissement, le programme de prêts dans sa forme actuelle et compte tenu de la clientèle qu’il tente actuellement de desservir pourrait se trouver à contre-courant des objectifs qu’il est censé soutenir.

Par conséquent, bien que le Programme soit en appui des objectifs humanitaires du Canada, en fournissant à des réfugiés à l’étranger un moyen de venir au Canada, sa structure fait en sorte qu’il peut créer des obstacles à l’atteinte des objectifs d'établissement de CIC.

5.3 Besoin continu du Programme

Constatation : Il existe un besoin continu de fournir un soutien financier à des réfugiés qui n’ont pas les moyens de payer les coûts liés à leur réinstallation au Canada. Toutefois, le recours à un prêt pourrait ne pas être approprié pour tous les membres de ce groupe.

Les résultats de l’enquête auprès de bénéficiaires de prêts révélaient que la majorité des répondants (74,7 %) n’auraient pas été en mesure de payer une partie quelconque des coûts couverts par le prêtNotes de bas de page 135. Ces résultats rejoignent ceux des enquêtes auprès des FS du PAR et des SEP et des entrevues, qui indiquaient qu’habituellement, en l’absence du programme de prêts, des réfugiés ne seraient pas en mesure de payer les coûts de l’admissibilité et du transport au Canada. Des personnes interviewées ajoutaient que certains réfugiés peuvent avoir plus besoin d’aide que d’autres, par exemple les personnes en situation prolongée de réfugié, ayant des problèmes de santé, des niveaux d’étude et de littératie limités, ou une famille nombreuse.

Ce besoin d’aide financière n’est pas surprenant dans l’évolution du contexte de la réinstallation des réfugiés ces 15 dernières années. Les publications consultées relevaient que les déplacements à plus long terme deviennent plus courants, ce qui provoque une augmentation du nombre de réfugiés ayant des besoins élevés (qui présentent notamment une faible littératie, des études limitées ou absentes, et des problèmes de santé)Notes de bas de page 136, mentionnant le grand nombre de situations prolongées de réfugiéNotes de bas de page 137 et le changement de profil des RPG depuis l’adoption de la LIPRNotes de bas de page 138. Une analyseNotes de bas de page 139 a été réalisée sur les résultats économiques des RPG et des RPSP pour confirmer ce changement signalé du profil des réfugiés depuis l’adoption de la LIPR. Les résultats indiquaient que l’incidence de l’emploi et le revenu d’emploi moyen étaient uniformément à la baisse et que le recours au soutien du revenu et à l’aide sociale était uniformément à la hausse pour les familles de RPG arrivées depuis l’adoption de la LIPR par rapport aux arrivants antérieurs. Par contre, les familles de RPSP affichaient une tendance inverse, celles étant arrivées depuis l’adoption de la LIPR ayant tendance à connaître des résultats économiques un peu meilleurs que ceux de leurs prédécesseursNotes de bas de page 140.

En somme, les réfugiés, en particulier les RPG, arrivant au Canada depuis l’adoption de la LIPR ont tendance à éprouver des besoins plus grands que les réfugiés venus au Canada auparavant. Cette situation se manifeste dans leur besoin d'un soutien financier pour les aider à venir au Canada et à s’y établir, ainsi que dans leurs résultats économiques des premières années une fois arrivés.

L’évaluation a démontré que le prêt peut imposer un fardeau supplémentaire aux réfugiés, et l’obligation de commencer à le rembourser peu après l’arrivée peut avoir un impact négatif sur l’établissement. Certaines personnes interviewées indiquaient que le prêt répondait à un besoin, en émettant toutefois la réserve que ce besoin existait en l’absence de tout autre mécanisme pour fournir une aide financière.

CIC peut approuver des contributions pour couvrir les prêts lorsque des réfugiés sont réputés être vulnérables ou présenter des besoins supérieurs à l’établissementNotes de bas de page 141, mais les fonds réservés à des contributions sont plutôt limités comparativement au montant réservé aux prêts, et pourraient donc ne pas répondre entièrement aux besoins de la clientèle. Globalement, ces constatations laissent penser que le Programme de prêts aux immigrants, dans son exécution actuelle, pourrait ne pas constituer le mécanisme le mieux adapté pour fournir une aide financière à une clientèle de réfugiés, mais comme il s’agit du principal mécanisme actuellement en usage, il est devenu nécessaire.


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